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É V E I L D E L A C O N S C I E N C E
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Conscience de Soi / Maîtrise de soi

LES PRISONS DU COEUR par MARIE LISE LABONTÉ
Extraits de son livre Parlez-moi d'amour vrai, p. 135 à 145
Les Édition de l'Homme, 2007

Notre cœur peut être entouré de prisons, piliers de l'amour blessant. Ces prisons édifient leurs murs autour de lui s'il est meurtri. Elles sont des protections inconscientes qui nous empêchent de ressentir ce qui nous a blessés, et elles entravent en même temps notre élan d'amour spontané. Sur elles, petit à petit, va s'édifier un amour conflictuel avec les autres et avec soi-même. Ces prisons s'appellent la colère non justifiée, la haine, le ressentiment, la culpabilité et la pitié. Ces prisons ne sont pas des émotions telles que la colère et la tristesse, non, elles sont des états semi-conscients ou inconscients qui entretiennent l'amour en le nourrissant de haine et en font un amour caractériel. Explorons ces prisons du cœur avant d'entrer plus en profondeur dans la découverte de l'amour caractériel.

Colère, haine, ressentiment, culpabilité, pitié

L'émotion est physique, elle correspond à une décharge d'énergie hormonale déversée dans notre sang. L'émotion est vie, et elle circule, elle est mouvement. Elle est soit une réponse spontanée à un évènement ou à une personne, soit une expression conditionnée par nos croyances. Par exemple, je me sens triste parce que je crois que personne ne m'aime. L'émotion provient du cerveau limbique et, dans son aspect le plus primitif, elle est le signal qu'un besoin fondamental n'est pas satisfait.

Le nourrisson pleure parce qu'il a faim, ou il se met en colère parce qu'on l'enlève des bras de sa mère. Une émotion peut aussi être héritée de la famille: nous portons par exemple la tristesse de notre mère, ou sa colère, ou encore sa frustration face à la vie et à l'amour. C'est ainsi qu'il nous arrive de vivre avec des émotions qui ne nous appartiennent pas. Une émotion peut naître d'un désir d'imiter nos parents dans leurs gestes, leurs pensées, leurs façons de voir le monde. Joseph, cinq ans, piquait souvent de vraies colères. À l'école, on lui posa la question: "Joseph, pourquoi te mets-tu ainsi en colère?" À quoi il répondit: "C'est comme papa." Joseph imitait son père irascible.

Ce qu'il est important de comprendre face aux émotions, c'est qu'elles sont de l'énergie en mouvement et qu'elles passent. Lorsque le tout-petit fait durer son émotion, c'est qu'il a compris qu'il pouvait se figer en elle de façon soit à attirer l'attention sur lui, soit à faire en sorte que son besoin soit reconnu. L'individu, se fixant ainsi dans une certaine émotion, peut en arriver à se construire une carapace émotionnelle. Cette fixation, qui devient rapidement inconsciente, aboutit à la construction psychique d'un état émotionnel permanent. Ce dernier est le signal que quelque chose s'est durci en nous avec le temps.

La colère

La colère, dans son expression pure, est un élan vital sain au moyen duquel nous tentons de sortir d'un état jugé intolérable par notre personnalité consciente. En nous mettant en colère, nous disons à notre entourage que ce que nous vivons est intolérable. La colère pure peut également surgir quand les limites de son territoire vital sont menacées. Elle sert alors à les rétablir. La colère peut aussi s'apparenter à un réflexe de défense et de survie face à une trop grande souffrance. Ce qui est malsain dans la colère, ce n'est pas l'émotion de colère elle-même, mais ce que nous en faisons.

Nous pouvons refouler notre colère parce qu'elle nous fait peur ou parce que notre milieu familial n'accepte pas que nous nous mettions en colère. Nous pouvons aussi nier notre colère parce qu'elle défait l'image du bon garçon ou de la bonne fille que nous souhaitons donner. Nous pouvons également vivre notre colère, non pas pour nous-mêmes, mais en la projetant sur les autres. Dès que nous sentons la colère jaillir, nous l'exprimons sans avoir pris la peine de réfléchir, prenant pour cible les personnes qui nous entourent alors que celles-ci ne sont pas concernées. Nous pouvons aussi prendre l'habitude de vivre en colère au quotidien, comme si cet état relevait d'un bon vieux conditionnement familial et était naturel: "Chez nous, tout le monde était toujours en colère pour tout ou pour rien!", entend-on dire parfois. Qu'elle soit refoulée, niée, projetée ou conditionnée, la répétition de la colère produit une fixation chronique qui mène à l'induration, qui va à son tour conduire à la haine.

La colère non justifiée ou caractérielle

Il existe différents types de colère indurée. La colère triste en est une. Prenons l'exemple de Lucie qui, chaque fois qu'elle se sentait gagnée par la tristesse, se mettait en colère. Lucie ne sentait plus sa tristesse. Un autre type de colère indurée est la colère coupable: Antoine refusait de ressentir le sentiment de culpabilité qui l'habitait depuis la mort de son petit frère; chaque fois que venait en lui la pensée qu'il était coupable, il se mettait en colère. Sa colère lui évitait de ressentir sa culpabilité. La colère caractérielle, qui fait l'objet de ce chapitre, est une colère répétitive et non justifiée, dirigée contre quelqu'un de l'entourage qui ne la comprend pas, précisément parce qu'elle n'est pas justifiée. Elle est malheureusement tout aussi incompréhensible pour la personne qui la vit. Elle surgit sous la forme d'une pulsion irrésistible et confuse, sans raison apparente. Cette forme de colère sème l'étonnement et la confusion, parfois même l'effroi. Elle peut aussi être destructrice. Elle instaure un territoire d'agressivité et de conflit. Elle est une réaction de défense mais contre quoi? Car il n'y a pas eu d'attaque. C'est pourquoi on la qualifie de non justifiée.

La colère est une énergie émotionnelle qui fait mal si elle est dirigée contre un être humain. Lorsqu'une personne se met en colère sans raison contre son entourage, elle sème une énergie malsaine. Le réflexe premier de l'interlocuteur, devant une telle attitude, est de fuir ou d'attaquer. Ces réactions sont des défenses instinctives. Il arrive toutefois que certaines personnes réagissent différemment et se soumettent à la colère. La soumission est une absence de réaction de défense. Et elle est fort révélatrice au sens où elle nous informe que nous nous sommes "suradaptés" à une agression répétée. Malheureusement, la soumission nous rend victimes de notre agresseur. Prenons l'exemple de Martine qui est née d'une mère caractérielle.

Martine vivait seule avec sa mère qui faisait souvent des crises de colère non justifiée. Son père avait quitté très tôt le foyer conjugal. Tentant de fuir ses propres réactions caractérielles, la mère de Martine prenait de la cocaïne, ce qui ne faisait qu'amplifier ses crises. Dans ces moments-là, elle battait souvent Martine.

Si elle avait été plus grande, Martine aurait pu fuir sa mère ou l'attaquer en retour, mais comme elle n'avait que cinq ans, elle ne pouvait que se soumettre. Ainsi dEvint-elle la victime de sa mère. Quiconque se soumet ainsi à une colère, le fait instinctivement car il a peur du danger. En se soumettant, il prend cependant sur lui la décharge d'adrénaline de l'autre et la sienne. La soumission semble passive de l'extérieur mais intérieurement, elle est très active, elle est une réaction à des peurs multiples: peur d'agir, peur de fuir, peur d'être de nouveau attaqué, et finalement peur de ne pas être assez fort pour se défendre et d'en mourir. Ce cumul de peurs se traduit dans le corps par une décharge d'adrénaline. Le cerveau ancien envoie cette hormone dans le sang, ce qui permet au corps et à tout le système musculaire de réagir. Quand il y a soumission, au contraire, l'adrénaline, au lieu de servir à la fuite ou à l'attaque, est stockée dans les muscles et, à la longue, intoxique le corps et la psyché. Qui plus est, entre le cerveau animal de celui qui se soumet et le cerveau animal de celui qui agresse s'établit un code: "Je me soumets, je te reconnais plus fort, je te cède mon pouvoir." La hiérarchie s'est installée: désormais, il y a un agresseur et un agressé.

Lorsqu'une colère peut être justifiée, expliquée et comprise, il n'y a ni agresseur ni agressé, les choses reprennent leur place dans la compréhension. Martine, au contraire, comme bien d'autres enfants et adultes, était l'objet d'une colère injustifiée; elle était donc perturbée, blessée et plongée dans la confusion. Lorsqu'un adulte est l'objet d'une telle colère, il se questionne, à juste titre: "Qu'ai-je fait de mal pour être la cible d'une telle colère? Ai-je blessé involontairement l'autre?", se demandet-il. Ce même adulte peut parler et questionner afin de tenter de comprendre le geste de colère de l'autre. Et il est capable de discernement. Mais qu'en est-il d'un enfant comme Martine? Ne court-il pas un danger réel quant à sa vie affective? L'enfant n'est pas toujours en âge et en mesure de discerner et de comprendre l'autre. Pour cette raison, il se bâtit des croyances. Martine, par exemple, était convaincue d'être une enfant méchante, coupable de quelque chose de grave et devant être punie. Ces idées qu'elle s'était faites sur elle-même lui permettaient de justifier la colère de sa mère. Lorsque l'on demandait à Martine ce qu'elle avait fait de mal, elle répondait qu'elle ne le savait pas mais qu'elle était sûre que c'était très grave pour que sa mère lui en veuille ainsi. Les conclusions que Martine avaient tirées sur elle-même étaient dangereuses pour son équilibre et pour son développement affectif. Un parent averti et conscient peut vite rétablir les choses après une colère injustifiée; il peut expliquer à l'enfant les raisons de sa colère, s'excuser et recadrer l'enfant dans son univers affectif. Un parent non averti, ou un parent dont la personnalité est caractérielle, laisse son enfant avec des questions sans réponse, sans lui offrir de cadre de soutien pour comprendre le pourquoi du déferlement de sa colère. Pour cette raison, l'enfant devient confus et incertain quant à sa compréhension des choses et à sa relation avec le parent.

À la longue, la colère répétitive et non justifiée blesse le corps, le cœur et l'âme de celui qui la subit comme de celui qui l'éprouve. La mère de Martine regrettait ses gestes violents et ses colères démesurées qui ont perduré même après une cure de désintoxication. Elle-même ne savait pas pourquoi elle projetait ainsi sa colère sur sa fille. En fait, la colère de la mère de Martine comme la colère de tous ceux qui se comportent comme elle, a des raisons que seul l'inconscient connaît, car elle relève de ce qui a été refoulé dans le passé. La colère non justifiée cache en général une très grande souffrance. La plupart du temps, elle est une défense interne face à un amour fondé sur la maltraitance comme nous le verrons dans le prochain chapitre.

La haine

La haine est une colère refoulée dont la personne n'assume pas la responsabilité. Elle relève de la position de victime face à la blessure d'amour, cette blessure originelle remontant au conditionnement affectif de la petite enfance et se transmettant de génération en génération. La haine se fonde sur une croyance fondamentale qui peut s'exprimer ainsi: "Je suis victime et l'autre m'a blessé", ou encore "C'est la faute de l'autre si je suis blessé". La victime est convaincue qu'elle a été l'objet d'un persécuteur, d'un bourreau. Cette position de victime, et la haine qui lui est liée, se transmet également de génération en génération. Pour cette raison, la haine n'est pas toujours consciente, elle peut avoir été héritée de l'inconscient de la famille. Ainsi, des croyances telles que "Je suis victime ...", "C'est la faute de l'autre si ...", peuvent être vraies même s'il n'y a pas eu d'agresseur. Quoi qu'il en soit, la blessure est là et la victime est blessée. Celle-ci souffre, elle est triste, elle a peur, elle se soumet et elle éprouve de la colère. Si la colère n'est pas entendue, respectée et recadrée par rapport à ce qui l'a provoquée, la victime la refoulera, la ruminera et restera fixée à elle. Un état émotionnel s'installe alors: la haine. Martine, à l'âge de sept ans, détestait sa mère. Elle s'était bâti une armure de haine face à sa mère pour survivre aux crises de celle-ci.

La haine est le moment où la victime a le sentiment de prendre le pouvoir sur son bourreau, cela même s'il n'y a pas de prise de pouvoir effective dans la réalité. La haine donne un sentiment de puissance et de contrôle à la victime sur son agresseur. La haine aide la victime à sortir psychologiquement de son état de soumission, cela, même si celle-ci, dans les faits, continue de se soumettre. Sous l'effet de la haine, la colère, la tristesse, la peur sont reléguées aux oubliettes. La haine prend le dessus sur toutes les autres émotions et se fixe. Pendant que la victime se nourrit de haine, elle ne ressent pas sa souffrance, elle a au contraire le sentiment d'avoir le dessus sur son agresseur, et sa douleur disparaît. La victime se nourrit de la haine qu'elle éprouve pour son agresseur. La haine peut devenir une raison de vivre face à une souffrance qui pourrait anéantir la personnalité de la victime. Cet état est violent, l'amour en est absent. Comme il procure à la victime un sentiment de puissance, celle-ci se transforme peu à peu en persécuteur: elle devient le bourreau de son agresseur, celui qui est coupable de sa blessure; mais à la longue, elle devient en fait une victime de sa propre haine. La haine s'apparente ainsi à une prison du cœur, elle devient la base d'un amour fondé sur la maltraitance.

Le ressentiment

L'état de haine devenu chronique crée une fixation psychique: l'individu rumine sa haine, ce qui le conduit à un désir irrépressible de punir l'autre. C'est ainsi que la haine conduit au ressentiment. Encore une fois, nous sommes loin de l'amour. Le ressentiment est une véritable prison, car il crée un cercle vicieux dans la relation à l'autre. Celui qui est animé par le ressentiment est convaincu de la responsabilité de l'autre dans ce qui lui arrive: l'autre est coupable d'avoir blessé son cœur, son corps, sa vie. Aussi, après s'être soumis pendant un long moment à des abus et en avoir souffert, l'individu en vient à se dire que le moment est venu de sévir pour que l'autre se soumette à son tour: il faut faire souffrir l'autre. Martine punissait sa mère en se réfugiant dans un mutisme qui pouvait durer des semaines. Sa mère devenait folle car elle savait que Martine pouvait parler. L'enfant parlait en effet aux autres, mais avec sa mère elle se taisait.

En faisant souffrir l'autre, le bourreau connaît un soulagement temporaire de sa haine, et même de sa souffrance. Il est dans le ressentiment. Celui qui est animé par le ressentiment est dans l'illusion qu'en faisant souffrir l'autre, non seulement il le punit mais il lui fait subir une souffrance similaire à celle qu'il a lui-même connue. La dimension vicieuse de cet état tient à cette volonté de faire souffrir comme on a souffert. Il s'agit bel et bien de vengeance. L'exemple d'Hélène, qui était atteinte d'un cancer et envahie par un terrible ressentiment envers son conjoint qu'elle disait pourtant aimer follement, illustre bien ce point.

Hélène avait été orientée vers moi par son médecin, car elle ne répondait pas bien aux traitements médicaux. Le ressentiment qu'elle éprouvait envers son mari l'empêchait de se consacrer à sa guérison et à ses soins. Hélène était en effet convaincue que sa maladie était le résultat de son couple. Elle n'avait pas tort, car le couple semblait souffrir d'une sorte de cancer psychologique. A écouter Hélène, je comprenais que sa relation de couple relevait d'un amour caractériel qui les détruisait, elle et son conjoint. Hélène était non seulement victime de son cancer mais aussi victime du ressentiment qui affaiblissait tous ses systèmes de défense sur le plan physiologique. Elle me disait aimer son conjoint, en même temps, elle lui en voulait "à mort" de l'avoir un jour abandonnée pour une autre. Il est évident que ce qu'Hélène vivait était douloureux. L'évènement avait toutefois pris des proportions exagérées dans la psyché d'Hélène car il avait réveillé le souvenir d'une trahison par le père. Son conjoint, Paul, qui avait pris conscience de son acte, s'en était excusé maintes et maintes fois auprès d'elle, mais Hélène était restée fixée à cet acte de "trahison" (c'est ainsi qu'elle le nommait). Sa santé a commencé à se détériorer à compter de cet évènement. Un an après, Hélène recevait un diagnostic de cancer virulent au sein droit. Paul, quant à lui, se sentait coupable de "lui avoir donné un cancer". C'est ainsi qu'il le vivait. Quotidiennement, Hélène le lui rappelait. Tel un bourreau qui torture sa proie, elle lui disait que c'était sa faute si elle perdait son sein. Elle le punissait non pas en le trompant avec d'autres hommes, mais en lui faisant subir sa maladie. Ainsi ne l'épargnait-elle pas sur certains détails de son cancer. Elle lui montrait sa plaie béante, se promenait nue dans la maison en hurlant sa haine et son ressentiment. Paul pleurait et par la suite se défendait en contre-attaquant. Leur amour n'était plus que de la maltraitance réciproque: un amour caractériel. Hélène jouissait de faire mal à Paul. Ce qu'elle oubliait, c'est qu'elle était devenue elle-même une victime: la victime de son ressentiment.

Le ressentiment donne l'illusion d'une diminution de la haine car il permet de punir. Mais le ressentiment est vicieux car celui qui en est animé se transforme souvent en martyr à seule fin de punir l'autre. En ce sens, le ressentiment est le poison de l'amour. Il est un pur acide pour le corps et une réelle prison pour le cœur. Il scelle les couches de haine et enferme l'élan d'amour. Il est un des piliers de l'amour caractériel. Il ouvre la porte à une dégradation telle qu'elle peut aller jusqu'à une dégénérescence de l'amour: humiliation, méchanceté, sadisme apparaissent alors. Le cœur est fermé dans une prison de glace, l'amour ne peut plus ni naître ni s'épanouir. Lorsque la petite Martine sortait de son mutisme, c'était pour crier à sa mère: "Je te déteste maman, je veux te tuer."

La culpabilité

À la longue, le besoin de vengeance et de punition, le désir d'éliminer l'autre pour ne plus souffrir, créent en nous un énorme sentiment de culpabilité. Quand cet état nous envahit, il prend toute la place. De quoi sommes-nous coupables? Combien de fois ai-je posé cette question à mes patients: "De quoi êtes-vous coupable?" D'avoir été méchant? D'avoir persécuté quelqu'un? D'être animé par une envie chronique de vous venger? Ces convictions nous donnent l'impression d'être un monstre ou d'avoir en nous une bête noire plus forte que nous.

La culpabilité est pernicieuse car elle nous conduit à l'autopunition, à l'autodestruction, le but étant de tuer en nous le "méchant monstre". J'ai rencontré dans ma pratique nombre de gens qui stagnaient dans la culpabilité. Il y a parfois en effet une certaine complaisance, un certain "confort" à s'installer dans la culpabilité. Elle est comme un ultime rempart avant de devoir faire face, c'est-à-dire travailler sur la problématique fondamentale. Ces patients ne ressentent en général plus rien d'autre que cette "chère" culpabilité qui leur est une souffrance connue, moins douloureuse que la blessure fondamentale. Souvent même, ces patients ne savent plus de quoi ils se sentent coupables! La difficulté avec la culpabilité, c'est non seulement qu'elle est difficile à vivre, mais qu'elle cache les états antérieurs de haine et de ressentiment qui se sont logés dans l'inconscient. Éprouver de la culpabilité est douloureux, mais cette douleur nous évite d'affronter une blessure plus profonde, celle qui a fait que nous nous sommes fermés à l'amour.

La pitié

Lorsque nous nous sentons coupables, nous désirons généralement sauver la victime que nous avons persécutée. Non seulement la sauver, mais aussi la ressusciter, lui donner un nouveau souffle de vie. Le bourreau a pitié de sa victime et lui tend une main pour qu'elle se relève. La victime accepte, le persécuteur devenu sauveur la prend dans ses bras. Il panse ses plaies physiques et psychologiques. Il a pitié. Le persécuteur a un cœur, la souffrance de l'autre le touche. Pourtant, en même temps, elle lui fait du bien, ce qui le culpabilise encore plus. La pitié n'est pas l'amour, la pitié est l'amour du repentant, de celui qui pense qu'il a péché: "J'ai été méchant, je me sens coupable, je vais te sauver, j'ai pitié de toi qui souffre", telle est la pensée du repentant. En ce sens, la pitié dégrade l'amour.

Reprenons l'histoire du couple d'Hélène et de Paul. Hélène vit son cancer et perd un sein. Elle est victime de sa maladie. Tout est difficile pour elle car elle souffre non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement: elle est toujours aux prises avec son besoin de se venger. Avant la maladie d'Hélène, le couple était toujours en guerre. Paul souffrait de cet amour conflictuel. Il en était épuisé. C'est pourquoi il est allé voir ailleurs: il avait besoin de respirer. Paul savait, presque consciemment, qu'en agissant ainsi il blesserait Hélène encore plus. De plus, il était lui-même psychiatre et il connaissait son histoire, il savait donc qu'elle était très fragile sur la question de la trahison. Paul, en allant voir ailleurs, a choisi d'agir pour lui. Il ne voulait pas nuire à Hélène, mais en se comportant comme il l'a fait, il a touché directement la blessure d'Hélène. À présent, Paul a pitié d'Hélène et se sent très coupable. Il se soumet et il paie le prix de son "péché". Il subit la présence d'une femme malade qui l'accuse sans répit. Il étouffe, jusqu'au moment où il fait un arrêt cardiaque. Hospitalisé et soigné à temps, il s'en sort. C'est au tour d'Hélène de se sentir coupable et d'avoir pitié. Hélène connaît alors l'amour du repentant: "Je vais aider Paul, il fait tellement pitié", me dit-elle. Paul, convalescent, passe de la position de la victime à celle de l'attaquant. Il accuse maintenant Hélène de sa crise cardiaque. Il le lui reproche à haute voix, il la maltraite verbalement, il est impitoyable avec elle, il se venge de ce qu'elle lui a fait subir. Et voilà le couple reparti dans son amour caractériel! Ils sont emprisonnés et dansent dans le cercle vicieux de la colère, de la haine, du ressentiment, de la culpabilité et de la pitié. Bientôt, Hélène retombe malade, son cancer récidive, et leur vie continue ...

Le cercle vicieux

Même si le sauveur a pitié de la victime qui souffre, il savoure le fait qu'il n'est plus seul à souffrir. Le sauveur espère, en général inconsciemment, que l'autre, en souffrant, comprendra ce que fut sa propre souffrance. Par contre, dès que l'autre va mieux, le sauveur doit renoncer à son rôle. Pour cette raison, le mieux-être de l'autre lui est intolérable. Le jeu recommence alors, la culpabilité et la pitié sont vite remplacées par la haine, la colère non justifiée et le ressentiment. Le cœur est à nouveau pris dans le cercle vicieux de l'amour caractériel. La relation que Martine avait avec sa mère en est un bon exemple.

Lorsque Martine a eu 12 ans, sa maman fut hospitalisée pour des troubles de la vision et du langage. On diagnostiqua une tumeur au cerveau. Martine a alors éprouvé une grande culpabilité. À la question "De quoi te sens-tu coupable?", elle répondait: "J'ai tué ma maman." C'est alors qu'elle développa un comportement anorexique d'autopunition: elle voulait mourir, ne plus exister. Elle fut placée chez une tante pendant l'hospitalisation de sa mère. Avec l'aide de celle-ci, elle commença à aller mieux. Elle côtoyait des groupes d'adolescents dont les parents avaient été dépendants de drogues. Sa maman fut opérée de sa tumeur et, à la suite des traitements de chimiothérapie, elle connut une phase de rémission de la maladie. Elle mit également un terme à sa toxicomanie. Martine revint alors à la maison maternelle. Dès ce retour, elle commença à attaquer sa mère en lui manquant de respect et en se vengeant sur elle de diverses manières. Elle retrouvait toute la haine et le ressentiment qu'elle avait mis de côté pendant la maladie de celle-ci. L'adolescente ne supportait pas que sa mère aille mieux. Martine était tiraillée entre aimer sa mère, la détester et vouloir se venger. Ces états affectifs contradictoires la plongeaient dans une grande confusion. Pour tenter d'oublier son mal-être et toujours avec l'idée de punir sa mère, elle se mit à son tour à consommer de l'alcool et des drogues ainsi qu'à commettre des actes de délinquance. Sa mère devint alors très active auprès de sa fille: elle voulait l'aider. Toutes deux allèrent en thérapie familiale et, petit à petit, Martine retrouva le goût de vivre, de s'aimer et d'aller mieux. Grâce à l'amour de sa mère qui était, elle, définitivement guérie, Martine put entamer sa propre guérison.

Nous venons d'explorer les piliers de l'amour caractériel qui constituent les prisons du cœur. Ces prisons sont des protections pour un cœur blessé qui a bien des raisons de se protéger ainsi. Ce sont ces raisons que nous allons découvrir en regardant comment naît et se développe la personnalité caractérielle.

Visualisation pour sortir du ressentiment [ p. 213-214 ]

Avant de commencer la visualisation, vous devez savoir envers qui vous éprouvez du ressentiment. Vous pouvez aussi partir d'un évènement qui a suscité en vous du ressentiment. Pour les fins de cette visualisation, nous nommerons la personne envers qui vous éprouvez du ressentiment l'objet de ressentiment. Cette personne peut changer au fur et à mesure de la visualisation; vous pouvez ainsi débuter avec une personne et vous sentir guidé par votre inconscient vers une autre personne. Un exemple: vous éprouvez du ressentiment vis-à-vis de votre conjoint, mais au fur et à mesure de la visualisation, vous réalisez que l'image de l'un de vos parents vous vient spontanément. Vous devez poursuivre la visualisation avec la personne dont votre inconscient vous parle. Un tel changement indique que vous éprouvez du ressentiment envers l'un de vos parents, mais que vous l'aviez refoulé; la figure du conjoint était donc un substitut.

Commencez par vous imaginer en train de recevoir tout ce dont vous avez besoin sur tous les plans: plénitude amoureuse, joie au sein de la famille et au travail, solidité de votre situation financière, cela, sans faire de lien avec votre objet de ressentiment.
Visualisez ensuite la personne qui est l'objet de votre ressentiment en train de recevoir tout ce dont elle a besoin, cela, sans votre aide; vous voyez cette personne comblée par la vie, sans que vous soyez pour quoi que ce soit dans ce qui la comble.
À présent, visualisez les deux scènes ensemble: la première scène dans laquelle vous recevez tout ce dont vous avez besoin, et la seconde dans laquelle l'objet de votre ressentiment reçoit tout ce dont il a besoin; maintenez ces deux scènes côte à côte pendant deux ou trois secondes .
Pour terminer, remerciez-vous; vous pouvez également noter ce que vous ressentez et pensez dans un journal.

À faire pendant trois semaines, une fois par jour ...

Il se peut que cette visualisation soulève en vous des émotions, surtout au début; il est cependant important de poursuivre tout en notant vos réactions physiques et psychiques. Si cette visualisation est trop difficile, ne forcez pas le processus. C'est un signe que vous êtes attaché à votre ressentiment. C'est votre droit. Attendez quelques jours ou quelques semaines, puis tentez de recommencer. N'oubliez pas qu'il n'y a que l'amour qui guérit le ressentiment et vous aide à sortir de la position de victime.

Marie Lise Labonté

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